Entrevue avec le fondateur, Hadj Khelil (réalisé par l’association AVS)

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Pourquoi proposer de la viande bio ?

Hajj Khelil : Parce que la viande me paraît être la continuité naturelle de l’activité que nous avons lancée il y a bientôt quinze ans. Nous sommes des militants du Bio depuis très longtemps : nous avons commencé par les dattes, nous avons développé beaucoup de produits végétaux et il y a un moment où nous avons eu envie de proposer de la viande à nos clients et nous avons subi de sévères oppositions qui prétendaient que le protocole biologique nous l’interdisait. Nous sommes entrés dans une espèce de bataille au terme de laquelle nous avons pu obtenir le droit de commercialiser de la viande bio et correctement certifiée halal.

Quels sont les produits que vous certifiez en viandes ?

HK : Aujourd’hui il y a principalement le bœuf. De temps en temps on peut faire de l’agneau. Il faut savoir que dans la philosophie du Bio, nous avons du mal à sacrifier les veaux ; dans l’esprit du Bio, on les laisse grandir autant que possible. Nous devrions pouvoir faire une opération « agneaux Bio » pour l’aïd prochain. Nous avons juste aujourd’hui un problème avec la volaille.

Selon vous, quel lien entre le bio et le halal ?

HK : Quand notre tradition nous invite à manger des nourritures tayyibât, c’est-à-dire dans le respect de l’environnement, dans le respect de la bête et dans le respect de nous-mêmes, c’est exactement, en réalité, l’esprit du Bio. Cette préoccupation diététique autour de la qualité de ce qu’on mange, cela se trouve dans notre spiritualité dès le début. Quand je fais de la viande bio halal, je n’ai pas l’impression que c’est une innovation, j’ai juste l’impression de faire une restauration : j’ai l’impression de restaurer quelque chose qui existait chez nous depuis au moins 1435 ans.

Au regard de votre expérience du bio, que pensez-vous de l’assommage ?

HK : Pour moi, une bête ne doit pas être assommée. Il existe des manières ancestrales de faire. D’ailleurs, quand on discute avec des grands chefs étoilés, tout le monde dit que la question n’est pas de savoir s’il faut assommer la bête ou pas, la question est de savoir comment est-ce qu’on abat correctement. Est-ce que l’on prend les mesures qu’il faut ? Mais je pense que l’assommage et l’électronarcose ne sont qu’un alibi pour la souffrance de l’animal. Ce sont des doubles peines.

Quels sont les enjeux contemporains pour le halal ?

HK : Je pense que la véritable nature spirituelle du halal, c’est le bio. Mon pari, c’est que d’ici quelques années, quand les produits ne seront pas bio, on remettra en cause leur caractère halal. On ne peut pas faire n’importe quoi avec une bête, on ne peut pas lui manquer de respect; on ne peut pas amener un poulet, le faire grandir dans 30 cm², qu’il perde toutes ses plumes, et penser qu’il est halal parce qu’on a dit bismillah au moment où on l’a sacrifié. Aujourd’hui, on arrive à une espèce d’extrémité de ce qui est acceptable. Je pense qu’il y a une prise de conscience planétaire, mais également dans la communauté musulmane : il y a trente ans, au moment où quelqu’un disait « c’est halal », on considérait que c’était de la responsabilité de celui qui l’avait dit. Aujourd’hui, les gens exigent, ils comprennent et cherchent du sens, et je pense que cette mécanique va amener à ce que dans une dizaine d’années, quand une viande ne sera pas bio, elle sera considéré comme un « halal de seconde catégorie ».

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